
Opération « Si un jour... »
À 7 h 00 heures, une sirène retentit dans le ciel matinal du 19 février 1942. Peu de temps après, la ville de Winnipeg au Manitoba, est plongée dans le noir en raison d'une panne d'électricité. L'ennemi supposé se rapproche et malgré une armée défensive forte de 3 500 soldats et réservistes canadiens, celle-ci s'effondre face aux envahisseurs nazis. Winnipeg se rend à 9 h 30.
Mais il n'y a rien de réel à cette invasion; il s'agit un stratagème élaboré pour stimuler l'intérêt public et encourager les gens à acheter des « obligations de la victoire ». L'opération « Si un jour... » visait à montrer aux Canadiens ce qui se passerait si les nazis n'étaient pas suffisamment tenus à distance.
Pendant toute la journée, Winnipeg s'est transformée en Himmlerstadt (nommée après Henrich Himmler, l'officier nazi de haut rang et chef du SS), Portage Avenue est devenue Adolfhitlerstrasse et les dollars canadiens sont remplacés par des Reichmarks.
Des événements simulés visent à instaurer un sentiment de peur et à montrer à quel point les droits et les libertés seraient restreints par un régime nazi oppressif. Des prêtres et des politiciens sont arrêtés, des églises et d'autres lieux de culte sont fermés, des livres sont brûlés sur les marches de la bibliothèque Carnegie, de brusques contrôles d'identité sont menés sur les tramways et des maisons sont vandalisées. Le tout alors que de la musique et des discours approuvés par les nazis résonnent à la radio.

L'en-tête du Winnipeg Tribune dans l'édition spéciale Opération « Si un jour... ». (Crédit : Wikimedia Commons)
«Partout, la force de la grande et vaillante armée nazie amène le Nouvel Ordre dans la province de la Grande Allemagne. La grande et vaillante armée nazie apporte également à la province la culture allemande et les bénédictions de la civilisation allemande », célébre le nouveauDas Winnipeger Lugenblatt("anciennement" LeTribune de Winnipeg).
Pour créer l'illusion ultime, des bénévoles de la section des jeunes hommes du Winnipeg Board of Trade défilent dans des uniformes nazis loués à Hollywood pour l'occasion. Ils se montrent brutals et impéteux envers les habitants, même si contrairement à leurs véritables homologues, les «nazis» de Winnipeg n'exercent aucune violence physique.
La déception est très convaincante. «Beaucoup de gens étaient très inquiets et assez intimidés par cette chose. Peut-être que cela leur a fait penser que cela pourrait arriver ici. Ils ne savaient pas jusqu'où ces nazis iraient », se souvient George Hoffman qui tenait le rôle d'un faux nazi.

De faux soldats nazis procèdent à l'arrestation d'hommes politiques. (Crédit : Wikimedia Commons)
Bien qu'il n'y avait aucune menace d'invasion imminente, l'opération « Si un jour... » a donné aux Manitobains un petit aperçu de ce que serait la vie sous l'occupation nazie, l'objectif étant d'encourager les civiles à soutenir la deuxième campagne « des obligations de la victoire » et de faire un don. Grâce à cette évènement, les Winnipegois ont compris à quel point il était crucial de se battre en Europe pour que le Canada ne devienne pas vulnérable à une véritable invasion. L'objectif initial de 45 millions de dollars a été dépassé et un total de 47 millions de dollars sont récoltés (soit environ 658 millions de dollars en 2017). Si l'invasion "nazie" a échouée parce que tout n'était en fait qu'une mise en scène, la campagne « des obligations de la victoire » a définitivement réussi.
Photo principale: Un faux nazi interrogeant un membre de la presse lors de l'opération « Si un jour... ». (Crédit : Wikimedia Commons)
Sources:
Pathé britannique. “If Day In Winnipeg (1942)." Vidéo YouTube, 1:29, 13 avril 2014.Si jour à Winnipeg (1942) - YouTube
Chandler, Graham. “IF DAY: The occupation of Manitoba.” Legion Magazine, 1er février 2017.
Hopper, Tristin. “Rare photos from “If Day’ – the time Winnipeg staged a full-scale Nazi invasion of itself.” Calgary Herald, 21 février 2019.
Perrun, Jody.The Patriotic Consensus: Unity, morale and the Second World War in Winnipeg. Winnipeg : University of Manitoba Press, 2014.